29/07/2012
MAURICE BEJART... ELEVE SOUFFRE-DOULEUR
L'immense danseur et chorégraphe français, naturalisé suisse, Maurice Béjart (1927-2007), l'auteur d'une centaine d'œuvres jouées sur quatre continents, à la tête d'une compagnie de plus de soixante-dix danseurs, Béjart qui secoua la poussière menaçant d'ensevelir la danse du XXe siècle, le créateur de ballets célèbres : Le Sacre du Printemps, Nijinsky clown de Dieu, l'Amour du poète, etc., conte avec humour ses déboires de tout jeune danseur confronté à un professeur peu perspicace...
"Je fus par contre le souffre-douleur d'un autre larron, Boris Kniassev. Il me poursuivait de sa voix aigrelette : "Toi mauvais ! Mauvais ! Toi jamais arriver à rien !" J'ai l'impression qu'il me le répétait sans cesse, qu'il me poursuivait au vestiaire pour me le dire encore.
Un nouvel élève arrivait, et à peine s'emberlificotait-il dans un pas que la colère de Kniassev me retombait dessus. Il interpellait le nouveau :
- Ti veux exemple de ce qu'il faut pas faire ? Ti veux ?
Tout le monde se taisait. Kniassev nous regardait un à un, et dans ce silence bien installé, il répétait doucement :
- Exemple de ce qu'il faut pas faire ? Ti veux ?
Re-silence et bouquet final :
- Exemple de ce qu'il faut pas faire : Béjart, viens !
Le plus drôle arriva quinze ou seize ans plus tard. J'étais à Athènes avec le Ballet du XXe siècle. Nous donnions là-bas la première de je ne sais plus quoi, Le Sacre du Printemps. Il y a foule, on vend des places debout et sur les marches d'escalier. Après, c'est l'habituelle ruée dans les loges. Ces visites que les spectateurs nous font dans les loges après le spectacle m'ont toujours fait penser aux cirques : "N'oubliez pas de visiter la ménagerie !"
Bref, des journalistes m'entourent, des photographes, et soudain quelqu'un les bouscule, leur marche dessus et fonce sur moi pour m'embrasser sur la bouche et se retourner, radieux, son bras vite passé autour de mon cou, vers la presse grecque :
- Messieurs, ça, Béjart, élève à moi !
C'était le même Kniassev, professeur à Athènes."
20:18 Publié dans Vagabondages littéraires et artistiques | Tags : maurice béjart, boris kniassev, danseur, chorégraphe | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Il en va souvent ainsi dans la vie de chacun ...
Mais dites-moi : Béjart raconte-t-il quelle fut sa réaction, sa réponse ?
Bonne journée à vous.
Écrit par : JcVincent | 28/07/2012
Maurice Béjart ne raconte pas quelle fut sa réaction. A-t-il, grâce à une volonté stoïquement entraînée jour après jour, retenu un commentaire acerbe ? Ou a-t-il pensé qu'une vengeance trop facile ne serait pas une réponse digne de son art et du personnage qu'il était devenu... envers et malgré ce professeur de danse si peu psychologue ?
Merci pour votre visite, JcVincent. Je ne manquerai pas de venir admirer, inlassablement, votre site - que je connais depuis longtemps déjà - et vos magnifiques dessins.
Ah ! un hippogriffe vient de traverser d'une aile discrète mon monde fantastique...
Écrit par : Christian JOUGLA | 28/07/2012
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