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03/08/2012

DIVIN VICTOR HUGO !

Andreï Makine, romancier d'origine russe (né en 1957, Sibérie) et vivant en France depuis 1987, relate dans le Testament français une anecdote pleine d'un humour assez insolent ma foi, relevée au cours d'une conversation entre l'adepte de poésie intemporelle Leconte de Lisle, rassembleur des écrivains qui constituèrent l'école parnassienne, et l'immense Victor Hugo :

 



"... Victor Hugo, patriarche grisonnant et mélancolique, rencontrait sous le dais d'un parc Leconte de Lisle. "Savez-vous à quoi j'étais en train de penser ?" demandait le patriarche. Et devant l'embarras de son interlocuteur, il déclarait avec emphase : "Je pensais à ce que je dirai à Dieu quand, très bientôt peut-être, je rejoindrai son royaume..." C'est alors que Leconte de Lisle, ironique et respectueux à la fois, affirmait avec conviction : "Oh, vous lui direz : "Cher confrère...".

 


(Bibliographie : le Testament français d'Andreï Makine. Éditions Mercure de France, Paris, 1995).

 

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     Victor Hugo par Rodin.

Commentaires

Salut,

une très belle prose et merci du partage !

Marie.

Écrit par : service à domicile | 03/08/2012

Bonjour Marie,

J'aime beaucoup ce genre d'humour !
Merci pour votre commentaire, Marie.
A bientôt.

Écrit par : Christian JOUGLA | 03/08/2012

"Cependant le soir vient, le vent tombe, les prés, les buissons et les arbres se taisent, on n'entend plus que le bruit de l'eau. (...)
Nous serons à Liège dans une heure. C'est dans ce moment-là que le paysage prend tout à coup un aspect extraordinaire. Là-bas, dans les futaies, au pied des collines brunes et velues de l'occident, deux rondes prunelles de feu éclatent et resplendissent comme des yeux de tigre. Ici, au bord de la route, voici un effrayant chandelier de quatre-vingts pieds de haut qui flambe dans le paysage et qui jette sur les rochers, les forêts et les ravins, des réverbérations sinistres. Plus loin, à l'entrée de cette vallée enfouie dans l'ombre, il y a une gueule pleine de braise qui s'ouvre et se ferme brusquement et d'où sort par instants avec d'affreux hoquets une langue de flamme.
Ce sont les usines qui s'allument.
(...)
Ce spectacle de guerre est donné par la paix ; cette copie effroyable de la dévastation est faite par l'industrie. Vous avez tout simplement là sous les yeux les hauts fourneaux de M. Cockerill."

Et l'illustre voyageur de poursuivre son périple en empruntant, le lendemain matin, la diligence de Liège vers l'Allemagne :

"La route est gaie et charmante. Ce n'est plus la Meuse, mais c'est la Vesdre. (...)
La Vesdre est une rivière-torrent qui descend de Saint-Cornelis-Munster, entre Aix-la-Chapelle et Duren, à travers Verviers et Chauffontaines, jusqu'à Liège, par la plus ravissante vallée qu'il y ait au monde. Dans cette saison, par un beau jour, avec un ciel bleu, c'est quelquefois un ravin, souvent un jardin, toujours un paradis.
(...)
Après Verviers, la route côtoie encore la Vesdre jusqu'à Limbourg. Limbourg, cette ville comtale, ce pâté dont Louis XIV trouvait la croûte si dure, n'est plus aujourd'hui qu'une forteresse démantelée, pittoresque couronnement d'une colline.
Un moment après, le terrain s'aplatit, la plaine se déclare, une grande porte s'ouvre à deux battants, c'est la douane ; une guérite chevronnée de noir et de blanc du haut en bas apparaît; on est chez le roi de Prusse."


C'est dans la même optique que, tout dernièrement, chère Améthyste, je vous ai laissé un commentaire suite à votre article consacré au "Pont du diable", de William Turner : cette vallée que l'immense Victor Hugo a visitée et décrite dans "Le Rhin, Lettres à un ami", (Lausanne, Editions Rencontre, pp. 71-8 de mon édition de 1968), je l'ai connue pour y avoir vécu, adolescent, dans l'un ou l'autre de ses villages ; cette ville, Verviers, que Hugo juge "insignifiante" dans un extrait que je n'ai pas repris ici, j'y ai passé bien des années pour y faire mes études secondaires, puis, devenu Professeur, pour y enseigner quelque trente-cinq années durant.

Et de reprendre ici l'esprit de la conclusion qu'avant-hier je vous écrivais par rapport à Turner : il est émouvant de constater que de très grands, - peintres ou littérateurs -, ont connu, aimé, poétisé, immortalisé des paysages qui, dans mes jeunes années, me parurent d'une banalité si écrasante, dans cette région de l'est de la Belgique, enclavée entre trois frontières.

Écrit par : Richard LEJEUNE | 20/09/2012

Merci, cher Richard, pour ce très bel extrait d'un texte de Victor Hugo.
De plus en plus souvent, mais certainement parce que j'y attache une importance accrue depuis que Jean-Claude et vous-même nous faites la grâce de commenter ces publications, je lis des descriptions chantant la beauté de paysages, de villes belges. Hier encore... mais ce sera bientôt l'objet d'un autre article (scientifique, cette fois).

Écrit par : Améthyste | 21/09/2012

Superbe émission culturelle, ce soir, sur la RTBF - Radio Télévision belge de langue française -, qui fit la part belle à Albert Lacroix et à Jacques-Firmin Lanvin, mettant ainsi à l'honneur un important cent cinquantième anniversaire.

J'imagine bien chez vous, chère Améthyste, l'écarquillement des yeux en découvrant mes propos : qui sont ces "illustres" inconnus ?
Richard aurait-il un tantinet forcé sur la dive bouteille, sur son Bourgogne rouge du soir ???

"Que nenni !", comme il est dit chez nous.

Pour assurer ma crédibilité future, je me dois de quelque peu traduire ...

Albert Lacroix était, au milieu du XIXème siècle, un jeune éditeur bruxellois - à peine 27 ans ! - que traversa une idée de génie : sachant que ce Jacques-Firmin Lanvin qui, à l'époque résidait sur la Grand-Place de Bruxelles, dans ce qui est maintenant un magasin de dentelles flamandes, terminait son dernier roman, il l'alla visiter et lui proposa de l'éditer. Purement et simplement.

Contrat fut signé. Il y a de cela exactement 150 ans !

Lanvin ? C'était le pseudonyme dont s'était affublé, pour passer la frontière française et venir s'exiler à Bruxelles, après le coup d'État de ce Napoléon III qu'il avait tant vilipendé, le grand Victor Hugo.

Quant au roman ? Les Misérables, évidemment !

Après l'immense succès, - pour Hugo qui engrangeait de subséquents et substantiels droits d'auteur ; pour Lacroix qui, dans la foulée, édita les sublimissimes "Chants de Maldoror", d'Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, mais aussi Zola et les frères Goncourt -, un immense revers de fortune atteignit l'éditeur qui avait apparemment mal placé ses bénéfices dans un immobilier balnéaire "pharaonique" proche de Saint-Malo, l'entraînant, après une dizaine d'années, dans une irrémédiable faillite.
Il fut depuis complètement effacé de la mémoire collective de nos concitoyens et, a fortiori, de celle de nos cousins français.

Le documentaire belge de ce soir rendit à cet événement - l'édition des "Misérables" - toute l'aura qu'il mérite.

Mais la télévision belge est-elle captée de l'autre côté de notre commune frontière ?

Écrit par : Richard LEJEUNE | 21/09/2012

Que le sort de l'éditeur Albert Lacroix qui, en effet, n'a pas dû laisser beaucoup de traces dans nos encyclopédies, fut triste ! Après avoir publié de si belles oeuvres et contribué ainsi à accroître la renommée - et la fortune - de grands écrivains, le voilà ruiné et effacé du monde littéraire ! Il avait pourtant fait preuve d'un immense talent de "dénicheur" de manuscrits promis au succès, comme les Misérables...

Je ne capte pas la RTBF mais mon installation est basique et je suppose que beaucoup de mes compatriotes peuvent voir cette chaîne.
Quant au bourgogne rouge, un ou deux verres, le soir, avec le meilleur mets du repas sont très sains, dit-on, pour les messieurs.

Merci, cher Richard, de nous avoir narré de cette manière si enjouée ce cent cinquantième anniversaire.

Écrit par : Améthyste | 24/09/2012

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