26/01/2013
LES PORTRAITS DU FAYOUM, EGYPTE
LA PEINTURE À TRAVERS LES ÂGES
Onzième partie : LE FAYOUM (Ier - IVe SIÈCLE)
Le Fayoum, ou le Pays du lac, province d'Égypte, à l'Ouest du Nil, est constitué par les dépôts d'estuaire d'un ancien lac. Des fossiles de primates y ont été découverts ainsi que des traces d'habitat du paléolithique supérieur.
"Dans les palmeraies et les marais vivaient d'innombrables oiseaux et bêtes sauvages. La forte présence du crocodile dans la région valut à Sobek, le dieu crocodile, d'être élevé au rang de divinité principale de cette oasis."
À la Basse Époque, de nombreux travaux d'irrigation furent effectués et la région prit un bel essor. Le Fayoum devint un foyer artistique, une école nouvelle célèbre pour l'intensité d'expression de ses portraits sur bois souvent destinés à des usages funéraires.
Voici le portrait d'une jeune femme habillée d'un vêtement pourpre (fin du IIIe siècle).
(Bibliographie : L'Égypte. L'époque pharaonique d'Alessia Fassone et Enrico Ferraris (Traduit de l'italien par Claire Mulkai. Éditions Hazan, Paris, 2008).
(À suivre)
(Écrit par Améthyste)
Portrait de jeune femme (artiste anonyme).
20:10 Publié dans La Peinture à travers les âges, Peinture | Tags : égypte, fayoum, portrait du fayoum, dieu crocodile sobek, portraits sur bois | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Bonjour, Améthyste, et merci !
Belle découverte pour moi : je ne me souvenais pas avoir entendu parler de ces mystérieux et superbes portraits peints du Fayoum que vous nous présentez ici. Ce portrait de jeune femme en est, probablement, l'un des plus beaux exemplaires.
Votre article, comme c'est si souvent le cas, m'a incité à en savoir un peu plus sur cette «facette» de l'art des régions du Nil du début du premier millénaire après J.-C. pour lequel, si je ne me trompe, le talent de peintres romains fut sollicité, l'Égypte étant alors sous domination romaine.
Je retiendrai de mes découvertes, par exemple, que ces centaines et centaines de portraits du Fayoum – tous, c'est très étrange, se ressemblent tant – ornaient des momies de défunts issus de classes sociales humbles, marquant ainsi (autant, me semble-t-il, qu'avec ce choix délibéré de leurs créateurs de les avoir représentés de face) une rupture avec la peinture traditionnelle égyptienne.
Ils seraient en quelque sorte des photos d'identité du défunt : ces portraits, conservés par la famille pendant la longue période d'embaumement, destinés à accompagner les personnes enterrées dans la nécropole romaine, n'existaient pas dans la perspective d'être regardés dans les siècles qui allaient suivre !
Écrit par : Jean-Claude | 28/01/2013
Bonjour, Jean-Claude,
Je vous remercie pour toutes les précisions passionnantes que vous apportez toujours si aimablement à mes articles !
Que les défunts des classes sociales humbles soient ainsi accompagnés de leur portrait est, pour moi, une coutume qui honore ces familles, respectueuses du devenir de leurs proches s'éloignant...
Merci, Jean-Claude, pour votre commentaire.
Écrit par : Améthyste | 29/01/2013
Si un très heureux événement familial m'a invité pendant une bonne semaine à délaisser quelque peu la blogosphère en général et votre site en particulier, Améthyste, pour avoir le plaisir à nouveau de me consacrer au bonheur infime que Victor Hugo érigea en un Art auquel il consacra plus de quatre mille vers -
"Et moi qui suis le soir, et moi qui suis la nuit,
Moi dont le destin pâle et froid se décolore,
J'ai l'attendrissement de dire : Ils sont l'aurore."
("L'art d'être grand-père", Paris, Seuil, p. 518 de mon édition de 1972)
-, c'est avec beaucoup de plaisir qu'à mon retour je croise chez vous le regard pénétrant et éternellement présent de cette jeune femme, oeuvre sur planche de tilleul datant de 130-150, donc du milieu de IIème siècle de notre ère, référencée AF 6884 au Musée du Louvre, et provenant d'Antinoopolis, en Moyenne Égypte.
Bien évidemment - qui eût pu une seule seconde penser que cela ne fût pas ? -, j'ai, le 21 avril 2008 sur mon blog, montré deux de ces portraits
http://egyptomusee.over-blog.com/article-18925160.html
exposés au Louvre, dont celui appelé "l'Européenne", à gauche, unanimement considéré comme le chef d'oeuvre en la matière.
Mais cet article d'alors, je vous le concède, n'était pas dédié à ce type d'images funéraires : il se voulait, dans le cadre de la rubrique "Décodage de l'image égyptienne", une réflexion plus large sur la notion de portrait - réaliste ou idéalisé ? -, dans l'art des rives du Nil antique, fût-il d'époque gréco-romaine.
Autorisez-moi dès lors à ne pas ici en reprendre les grandes lignes - il suffira d'aller le lire, si cela intéresse quelqu'un -, et préférer replacer ces peintures dans leur contexte historique.
Je voudrais, dans un premier temps, mettre l'accent sur l'appellation elle-même - "Portraits du Fayoum" - qui, c'est indéniable, se révèle géographiquement restrictive mais qui aussi, j'insiste, a parfaitement acquis son droit d'être utilisée par tous dans la mesure où l'usage s'en est établi chez les égyptologues eux-mêmes.
En réalité, si beaucoup de ces portraits furent bien évidemment retrouvés dans l'oasis du Fayoum, bon nombre proviennent d'autres régions du pays. Et d'ailleurs, sans probablement le savoir, c'est vous, Améthyste, qui corroborez mon propos en en offrant un ici qui ne provient pas du tout du Fayoum, mais plus que vraisemblablement d'Antinoopolis, l'ancienne Antinoé, en Moyenne Egypte, si je m'en réfère au catalogue des "Portraits funéraires de l'Égypte romaine" (Paris, Editions Khéops, 2008, pp. 292-5), publié sous la direction de Marie-France Aubert et Roberta Cortopassi.
Certaines peintures semblables ont aussi été retrouvées hors d'Égypte : je pense notamment à celles du boulanger et de son épouse, originellement de Pompéi, et que l'on peut actuellement admirer au Museo Nazionale de Naples
http://www.naples-passion.com/musee-archeologique.html
Dans un deuxième temps, je voudrais également insister sur le fait que ces portraits ne sont pas nés ex-nihilo de l'art d'une époque précise mais constituent bien la continuité, l'aboutissement de pratiques funéraires égyptiennes dont les origines remontent au Moyen Empire, c'est-à-dire, vers 2000 avant notre ère. En effet, à cette époque-là déjà, le visage d'un défunt pouvait être représenté sur les sarcophages momiformes en bois. Et cela se poursuivra jusqu'à la fin de la civilisation égyptienne autochtone ! De multiples exemples se retrouvent notamment en salle 14 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.
http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=sal_frame&idSalle=135&langue=fr
Nous sommes, je me permets de le répéter, quelques milliers d'années avant les portraits dits du Fayoum !! Raison pour laquelle, une fois encore, je peste quand je lis sur Wikimachin que les "portraits du Fayoum sont des peintures sur sarcophages" !!!
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fayoum
C'est véritablement tout confondre puisque ce sont des peintures réalisées soit sur cartonnage, soit sur linceul, soit sur panneaux de bois - celles-là sont à la cire -, ou sur étiquettes de momies !!!
Mais plus du tout sur sarcophages.
Il faut aussi savoir que ces portraits du Fayoum étaient le plus souvent introduits dans le réseau de bandelettes du corps momifié ou, si j'envisage les linceuls peints, placés sur la momie elle-même !
Bon. Je reprends l'évolution qui aboutira aux portraits dont il est ici question. Après les sarcophages du Moyen Empire peints avec le visage du défunt, apparaissent, à partir du Nouvel Empire, les masques funéraires - que l'on nomme également masque-plastron s'ils descendent quelque peu sur la poitrine : souvenez-vous de celui, ultra célèbre, de Toutankhamon http://www.egyptos.net/egyptos/pharaon/masque-de-toutankhamon.php
Plus tard, à Basse Epoque, soit au dernier millénaire avant l'ère commune, ces masques seront en stuc.
Et après apparaîtront les portraits du Fayoum.
Vous comprenez donc, Améthyste, qu'il me tient à coeur de quelque peu rectifier l'opinion qui voudrait que ces portraits soient de pures créations gréco-romaines, sans prémices aux siècles antérieurs à la domination étrangère de l'Égypte.
Et cela m'amène à mon troisième point, peut-être le plus important : l'intention.
Ces portraits dits du Fayoum datent donc d'une époque où l'antique civilisation égyptienne avaient été l'objet d'invasion des Perses, des Grecs puis, enfin, des Romains. Ils sont donc le fruit à la fois de traditions égyptiennes - je viens de les évoquer (sarcophages du Moyen Empire, masques funéraires, etc.) - et de conceptions gréco-romaines.
Cette acculturation, cette "mixité culturelle" comme l'on dit aujourd'hui à propos d'autres notions, nous donne à voir des oeuvres de premier choix.
Tout qui lit les articles de mon blog sait parfaitement qu'à la différence de celui des Grecs qui était "rétrospectif et représentatif" (Panofsky, "Essais d'iconologie", Paris, Gallimard, 1967, p. 267), l'art funéraire égyptien était destiné à promouvoir magiquement un Au-delà des plus confortables aux défunts.
Le mort égyptien qui, grâce aux vivants et aux offrandes alimentaires qu'ils lui apportent régulièrement, espère vivre sa seconde vie dans le royaume d'Osiris le plus confortablement possible, s'opposait donc au mort grec avec lequel les vivants devaient rompre.
Ce sont donc deux conceptions diamétralement opposées que sont parvenus à traduire les artistes égyptiens quand ils ont réalisés ces portraits de leurs défunts en ces siècles où ils étaient sous le joug gréco-romain : inscrivant leurs peintures dans leurs propres traditions funéraires, ils montrèrent l'image de celui ou de celle qui fut un jour vivant et qui, grâce à l'insistance de son regard, rappelle magistralement la volonté inhérente à la mentalité égyptienne sur laquelle, souvent, j'ai porté l'éclairage, de ne pas tomber dans l'oubli.
Et pour terminer ce qui me semble à nouveau constituer une fort longue intervention de ma part, j'attirerai aussi votre attention, Améthyste, sur le fait - et ceci est loin d'être négligeable dans l'Histoire de l'Art -, qu'à la croisée de plusieurs civilisations, ces portraits dits du Fayoum, déjà remarquables par eux-mêmes, constituent, avec Pompéi il est vrai, les plus anciennes et les seules formes de peinture que nous ayons conservées de ces peuples qui, j'aime à le souligner, peignaient partout, en ce compris leurs monuments de pierre ...
(Ajout d'Améthyste : vous pouvez voir les liens "réparés" dans ma réponse du 29 janvier 2013 à Richard Lejeune. Je vous en remercie.)
Écrit par : Richard LEJEUNE | 29/01/2013
Toutes mes félicitations aux heureux parents, et, pour vous, Richard, que cette nouvelle aurore illumine maintes décennies encore à venir !
Je vais tenter, dans un premier temps, d'insérer les liens qui n'ont pas fonctionné, car je ne suis pas parvenue à les rétablir dans votre commentaire.
http://egyptomusee.over-blog.com/article-18925160.html
http://www.naples-passion.com/musee-archeologique.html
http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=sal_frame&idSalle=135&langue=fr
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fayoum
http://www.egyptos.net/egyptos/pharaon/masque-de-toutankhamon.php
Je vérifie s'ils nous conduisent bien à destination et ne manquerai pas de revenir pour terminer mon message. Mais d'ores et déjà, soyez remercié pour votre commentaire.
Écrit par : Améthyste | 29/01/2013
Je vois, avec chagrin, que le catalogue des "Portraits funéraires de l'Egypte romaine" et le livre d'Art que j'ai cité se contredisent !
N'étant pas égyptologue - même pas une modeste amatrice, hélas ! - je ne me permettrais jamais de vous opposer la plus infime contradiction en prenant pour prétexte telle ou telle citation de mes livres d'Art. Ce comportement me ridiculiserait certainement à tout jamais !
Cela ne m'empêche pas, bien au contraire, de lire avec avidité tous les enseignements contenus dans votre réponse et de suivre avec ma curiosité habituelle et, surtout, mon désir d'en apprendre toujours davantage sur l'Egypte ancienne, les liens que vous indiquez.
Je vous remercie infiniment, Richard, pour votre commentaire si détaillé.
Écrit par : Améthyste | 08/02/2013
merci pour le partage de vos connaissances
le portrait est très bien réalisé, et à priori la jeune fille aurait eu un dysfonctionnement de la thyroide
A bientôt,
JA
Écrit par : JA | 29/01/2013
Ce qui lui donnerait cette exophtalmie, appelée exophtalmie endocrinienne et causée par l'hyperthyroïdie ?
Merci, Jocelyne, pour votre commentaire et votre visite.
Écrit par : Améthyste | 08/02/2013
Merci pour vos voeux, Améthyste.
Merci aussi de bien vouloir vous montrer indulgente à mon égard en corrigeant comme suit cet indigne accord de participe passé de mon commentaire de ce matin :
"Ce sont donc deux conceptions diamétralement opposées que sont parvenus à traduire les artistes égyptiens quand ils ont RÉALISÉ ces portraits de leurs défunts ..."
Écrit par : Richard LEJEUNE | 29/01/2013
Je ne l'avais pas remarqué tant mon regard et mes réflexions étaient concentrés sur le sens des phrases.
Écrit par : Améthyste | 08/02/2013
Et moi non plus, chère Améthyste, je ne suis pas égyptologue ! Simplement un amateur peut-être un peu plus éclairé parce que j'ai le temps d'être un peu plus passionné que d'autres.
Ceci posé, votre commentaire m'interpelle vraiment dans la mesure où les auteurs de l'ouvrage que vous citez, Alessia Fassone et Enrico Ferraris, sont bien, eux, des égyptologues, tout comme Marie-France Aubert (Conservateur en chef au Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre) et Roberta Cortopassi(Ingénieur d'études dans ce même département), mais aussi - que je n'avais pas pris la peine de mentionner - mon compatriote Georges Nachtergael (Professeur honoraire à l'Université libre de Bruxelles).
Je n'écrirais peut-être pas qu'à travers les deux références que nous proposons vous et moi, ils se contredisent ; et certainement pas volontairement !
Je pense plutôt que vos auteurs qui traitent ici d'un sujet parmi d'autres en égyptologie pour un ouvrage à vocation généraliste n'ont pas pris connaissance - ce qui n'a rien d'anormal : personne ne peut tout savoir sur tout ! -, des résultats des études des auteurs du catalogue du Louvre, plus particulièrement spécialisés eux qu'ils sont de l'Égypte romaine et des portraits dits du Fayoum qu'ils ont minutieusement étudiés en vue de leur publication magistrale.
Sur un point autre de votre réponse d'hier soir, je voudrais réagir. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous m'écrivez : " je ne me permettrais jamais de vous opposer la plus infime contradiction en prenant pour prétexte telle ou telle citation de mes livres d'Art. Ce comportement me ridiculiserait certainement à tout jamais ! "
Je ne suis pas LA référence incontournable, Améthyste. Je ne suis qu'un simple "Passeur de mémoire". Grâce à certaines connaissances et surtout à ma bibliothèque, comme n'importe qui pourrait l'être !
De sorte que, tout au contraire, osez ! Osez provoquer un dialogue sur une notion pour laquelle vous auriez une autre explication que la mienne : je ne vois pas où là résiderait le ridicule ! J'aimerais tant que de vos articles naissent parfois non pas la confrontation, mais à tout le moins la réflexion sur des points qui nous opposeraient.
C'est ainsi à mes yeux que l'on avance dans la vie !
Ne croyez-vous pas que se remettre éventuellement en question nourrit l'être ?
Écrit par : Richard LEJEUNE | 09/02/2013
M'opposer à vos explications, cher Richard, me semblerait incongru tant mon tempérament est pacifique et mon penchant pour la douceur immense ! Au risque de vous décevoir, je ne suis pas douée pour les débats et les controverses, ma fantaisie me poussant plutôt à jouer à saute-mouton avec les difficultés.
Ce qui ne m'empêche nullement de me remettre en question à partir de l'instant où j'ouvre les yeux, à l'aurore, jusqu'à la nuit où je les referme.
Écrit par : Améthyste | 10/02/2013
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