26/12/2012
CHARLES CROS, HOMME DE SCIENCE ET POETE
Charles Cros (1842-1888), génie scientifique précoce, découvre un procédé indirect de photographie des couleurs et donne la description d'un appareil qui se révèle l'ancêtre du phonographe.
Cependant il préfère la vie de bohème au laboratoire, en compagnie notamment de l'écrivain Alphonse Allais. Charles Cros est aussi poète et publie un volume de vers délicats : Le Coffret de santal, en 1873. Il est également l'auteur de nombreux monologues pétillants d'esprit. Mais ce poète restera ignoré de ses contemporains.
(Écrit par Améthyste)
Charles Cros
15:30 Publié dans Galerie de portraits d'écrivains et de poètes, Poètes maudits | Tags : charles cros, poète, le coffret de santal | Lien permanent | Commentaires (10)
Commentaires
"Ignoré de ses contemporains", et je parierais volontiers : aussi des nôtres, Améthyste !
Sauf évidemment des amateurs de musique qui lui doivent une invention capitale et peut-être aussi parce que son nom a été étroitement associé à un prix que décerne régulièrement l' "Académie Charles-Cros" à des disques qu'elle épingle, notamment de chanson française.
Quant au poète, voilà bien longtemps, bien trop longtemps que je ne l'avais plus rencontré.
Merci de l'avoir "exhumé" d'un silence qu'il ne mérite pourtant pas. Grâce à vous aujourd'hui, grâce à ces petites perles de la poésie que vous nous sortez de temps en temps de votre chapeau de magicienne rêveuse, je suis allé rechercher au grenier un vieux programme dactylographié qu'avaient amoureusement - et fièrement, je suppose - conservé mes parents, faisant état d'un "récital" de poésie auquel avec mes camarades du Conservatoire de ma ville j'avais participé, adolescent.
Et y ai retrouvé ce "Hareng saur" que j'avais alors déclamé sur scène : c'est un très beau texte que vous connaissez certainement, humoristique, composé avec cette triple répétition d'un adjectif à la fin de chaque ligne et attirant, de la part du public de parents, grands-parents, tantes et oncles qui venaient écouter leur "gamin", une bienveillante attention nourrie de quelques rires accompagnant leurs applaudissements ...
Je ne résiste pas au plaisir d'ici à nouveau le "réciter" ; rien que pour vous et vos lecteurs :
"Il était un grand mur blanc - nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle - haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur - sec, sec, sec.
Il vient, tenant dans ses mains - sales, sales, sales,
Un marteau lourd, un grand clou - pointu, pointu, pointu,
Un peloton de ficelle - gros, gros, gros.
Alors il monte à l'échelle - haute, haute, haute,
Et plante le clou pointu - toc, toc, toc,
Tout en haut du grand mur blanc - nu, nu, nu.
Il laisse aller le marteau - qui tombe, qui tombe, qui tombe,
Attache au clou la ficelle - longue, longue, longue,
Et, au bout, le hareng saur - sec, sec, sec.
Il redescend l'échelle - haute, haute, haute,
L'emporte avec le marteau - lourd, lourd, lourd,
Et puis, il s'en va ailleurs - loin, loin, loin.
Et, depuis, le hareng saur - sec, sec, sec,
Au bout de cette ficelle - longue, longue, longue,
Très lentement se balance - toujours, toujours, toujours.
J'ai composé cette histoire - simple, simple, simple,
Pour mettre en fureur les gens - graves, graves, graves,
Et amuser les enfants - petits, petits, petits."
Merci pour ce bien agréable retour d'un demi-siècle en arrière ...
Écrit par : Richard LEJEUNE | 06/01/2013
En exhumant, bien intentionnellement, le "Lendemain" de Charles Cros, le 26 décembre dernier (pourtant je n'eus pas besoin d'aspirine ce lendemain-là), je ne me doutais pas que Charles Cros poursuivrait sa résurrection, ici, avec son "Hareng saur".
Je l'avoue, je ne connaissais pas ce texte qui vous valut, peu de décennies plus tôt, de si bienveillantes ovations.
Merci, Richard, pour ce commentaire qui m'amuse.
Écrit par : Améthyste | 10/01/2013
Tu l'as bien récité, Richard ! Rien à redire ! Ta voix m'est parvenue au-delà des collines du bois de Tancremont...
Pourtant si : bizarre, cette perception toute différente que chacun peut ressentir à la lecture ou la récitation d'un même poème.
Car ce hareng saur, si sec, sec, sec, un jour, je m'en souviens, en fin d'études primaires, est aussi passé sous mes yeux, sur mes lèvres. Et je ne l'aimais guère : pire, je le détestais ! Je ne l'ai jamais vraiment avalé !!! Sans doute parce que je faisais trop partie des gens - graves, graves, graves - il m'avait un peu mis en fureur - et que je n'étais pas assez un petit, petit, petit enfant qui s'amuse si vite ?
Il me vient une idée : mon petit-fils Samuel, très curieux face à toute nouveauté, et il s'amuse si vite, si vite, si vite, adore les comptines en tous genres et me semble doté d'une excellente mémoire... Si, la prochaine fois qu'il vient, j'observais ses réactions et testais son talent ou ses goûts ?
Après tout, y'a pas d'âge pour la poésie !
Merci Charles Cros, merci Améthyste !
Écrit par : Jean-Claude | 07/01/2013
Lors de mes études primaires, jamais le moindre mot ne nous fut dit sur Charles Cros. Nous ne connaissions donc aucun de ses textes. Je m'en souviendrais car tout ce qui touche à la langue française, une de mes rares matières de prédilection (il était trop tôt pour les arts plastiques), m'a toujours apporté, et continue à me procurer un bonheur sans limites.
Aussi, je cherche, je déniche et transporte mes découvertes ici, où les commentaires me réjouissent souvent, souvent, souvent.
Merci, cher Jean-Claude, pour votre intervention pleine d'humour.
Écrit par : Améthyste | 11/01/2013
Merci, Richard, et merci, Jean-Claude, pour vos commentaires.
Ah ! nos deux amis s'apprêtent, peut-être, à ouvrir un débat dont ils sont friands !
Courageusement, je me sauve en vous abandonnant provisoirement l'espace, mais vous savez combien j'aime vos sympathiques controverses.
Je reviendrai vite pour répondre aux précédents messages.
Écrit par : Améthyste | 08/01/2013
Erasme en des temps plus anciens, Saint-Simon à l'époque de Louis XIV, prônèrent nombre de préceptes de savoir-vivre, le premier à l'usage des enfants, le second, à la Cour - ce que l'on appelle l'étiquette - qui sont toujours un régal de lecture et de constant apprentissage - même, et surtout ?, avec le recul.
Souffre, cher Jean-Claude, que, dérogeant à la règle de chronologie qui eût voulu que ce fût à toi qu'en premier lieu je m'adresse ce matin, appliquant un des principes de ces auteurs anciens que je citai à l'instant et qui ne sont à mes yeux pas aussi obsolètes que notre société contemporaine voudrait nous le faire accroire, ce soit à nos amphitryons, Améthyste et M. Jougla, eux qui nous servent des nourritures spirituelles de premier choix, que je réponde avant de véritablement m'entretenir avec toi.
Certes Améthyste, nous mettrons toujours un point d'honneur, Jean-Claude et moi, à ce que nos débats, nos éventuelles mais si utiles divergences, chez vous ou ailleurs, soient toujours empreints de cette courtoisie - c'est élémentaire entre gens de bien ! - que je vous remercie d'épingler au travers de votre "sympathiques controverses".
Dans votre propos ci-avant, je relève aussi le terme "friands".
Qui me sied. Et qui, me concernant, me paraît même en deçà de la vérité. Je déteste le ronronnement consensuel : souvenez-vous, il n'y a guère, nos échanges à tous trois à propos de Mallarmé.
J'aime aussi parfois - mais je ne suis point certain de vous apprendre là quelque chose -, provoquer, entraîner un interlocuteur au-delà de ma pensée véritable rien que pour jouir du plaisir d'écouter son argumentation en vue de me répondre, voire de me contrer.
En salle des Profs, souvent, cela me valut certaines inimitiés. Mais en vérité, peu me chaut ! La joute intellectuelle n'en était que plus belle. Et suprêmement intéressante.
Rassurez-vous, Améthyste, cette introduction n'a pas pour but de vous préparer à une situation délicate qui pourrait naître de ma réponse à Jean-Claude - vous constaterez très vite que c'est même du contraire qu'il s'agira. Mais je voulais simplement mettre l'accent, au sein de votre courte intervention de ce matin, sur les mots qui sont vôtres et qui prouvent que vous avez remarquablement perçu - sensibilité féminine évidemment ! -, l'amitié vraie qui nous lie, Jean-Claude et moi ; tout comme nos épouses respectives, d'ailleurs ...
Écrit par : Richard LEJEUNE | 08/01/2013
Certes, Richard, je connais bien la grande courtoisie et l'infinie délicatesse caractérisant vos propos, aussi bien les vôtres que ceux de Jean-Claude, et pas une journée ne se termine sans que je ne me sois réjouie de vos interventions ici.
Écrit par : Améthyste | 13/01/2013
Au-delà des collines du bois qui nous sépare, Jean-Claude ???
Vraiment ?
Mon épouse aurait-elle donc raison quand, conversant tous les deux seuls ensemble à la maison, elle me demande de parler moins fort ?
Ajoutant même, pour me convaincre assurément, que je ne suis plus devant un auditoire ; ni sur la scène du Conservatoire ou du Grand-Théâtre ...
Et dire que j'avais escompté simplement déposer ici "mon" hareng saur dans le creux de l'oreille de nos hôtes et de leurs lecteurs ...
Désillusion !
Plus sérieusement, et pour répondre à ton commentaire ci-avant.
Je ne trouve nullement bizarre, j'avancerais plutôt : heureusement que l'homme, devant un poème, une femme, une voiture (pourquoi pas cet exemple aussi ?) n'éprouve pas les mêmes sensations, ne soit pas l'objet du même ressenti que son voisin.
Quelle horreur serait notre vie ici-bas si les concepts de beauté féminine, de poésie ou de perception des choses étaient identiques chez les uns et les autres.
Et d'abord - éventualité que je n'ose envisager une seule seconde ! -, il n'y aurait plus de dialogue possible. Tout le monde penserait la même chose sur tout et tous. On n'aurait à débattre à propos de rien !
Une monotonie généralisée débouchant sur un ronronnement consensuel, un "politiquement correct" qui rendrait notre vie, notre Humanité bien fade !
Ceci posé, et te concernant - sans vouloir évidemment t'obliger ici à des confidences sur ton enfance ; sans non plus vouloir jouer les "tontons Sigmund" - j'aimerais vraiment que tu m'expliques les termes - très forts, si l'on s'y arrête - que tu emploies dans ce passage :
" je le détestais" ; " je faisais trop partie des gens - graves, graves, graves" ; "il m'avait un peu mis en fureur" ; " je n'étais pas assez un petit, petit, petit enfant qui s'amuse si vite ?"
Et tout cela à la fin de tes études primaires, vers 12 ans ?
Toutefois, entrer dans ce monde poétique à cet âge, c'est effectivement peut-être un peu tôt !
Mais à l'adolescence, personnellement, j'en fus ravi !
Et à près de 65 ans, au risque de paraître risible, devant un tel texte, je revendique encore actuellement haut et fort (mauvais jeu de mot, ici, je l'accorde ; et l'assume !) d'être ce "petit enfant qui s'amuse si vite" !!!
Et le contraire m'attristerait grandement ...
Ce que j'apprécie, à la fin de tes propos, une lueur d'espoir (pour les générations futures, comme dirait le Commandant), c'est quand tu te proposes de tester le ressenti de ton petit-fils en lui récitant ce poème. Mais je pense qu'il te faudrait certainement encore attendre quelques années avant de lui permettre de pénétrer dans ce monde du surréalisme auquel, nous les Belges, sommes si réceptifs ...
Ne crois-tu pas ?
Écrit par : Richard LEJEUNE | 08/01/2013
Permettez-moi d’esquisser gentiment, en toute estime et amitié, Améthyste et Richard, un sourire surpris à la lecture de vos commentaires.
Il ne m’était pas certes pas venu à l'esprit d’ouvrir ici un débat et moins encore une controverse (au sens de querelle ou polémique) (toute sympathique qu’elle puisse être, je vous ai bien compris) ; ni d’entrer dans toute forme de joute intellectuelle ; car pour tout cela je n’ai, sans doute, pas le tempérament ou l’envie, ni en ce moment vraiment le temps, concentré sur d’autres passions, priorités, et (pré)occupations.
Mon souhait bien sincère était, en toute humilité et franchise et une dose d'humour peut-être mal perçue, vous faire part de souvenirs d’enfance tout personnels face à ce poème qui a marqué, à tout le moins négativement, mon esprit !
Je crois que vous me comprendrez et ne serez pas déçus outre mesure.
Écrit par : Jean-Claude | 08/01/2013
Certainement, Jean-Claude, je vous comprends fort bien ! D'ailleurs, tous les commentaires reçus à la suite de cet article apaisèrent mes craintes.
Vous, me décevoir ? Cette idée appartient au domaine de l'impossible !
Écrit par : Améthyste | 13/01/2013
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