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04/05/2017

"DANS LES BOIS ! " DE NERVAL

      "Dans les bois !

 


Au printemps l'Oiseau naît et chante :
N'avez-vous pas ouï sa voix ?...
Elle est pure, simple et touchante,
La voix de l'Oiseau - dans les bois !

 


L'été, l'Oiseau cherche l'Oiselle ;
Il aime - et n'aime qu'une fois !
Qu'il est doux, paisible et fidèle,
Le nid de l'Oiseau - dans les bois !

 


Puis quand vient l'automne brumeuse,
Il se tait... avant les temps froids.
Hélas ! qu'elle doit être heureuse
La mort de l'Oiseau - dans les bois.

 

(Gérard de Nerval).

 

(Présenté par Améthyste)

   

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              "Paysage avec des oiseaux" (1628) de Roelant Jakobsz Savery.

13/04/2017

"LE VOYAGE" PAR BAUDELAIRE

  "Le Voyage

 



Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

 


Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

 


Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

 


Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

 


Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

 


Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !"

 


(Charles Baudelaire. Extrait des Fleurs du mal).

 

 

 

(Présenté par Améthyste)

    

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                   "Ulysse et les Sirènes" par John William Waterhouse.

 

30/03/2017

"LENDEMAIN" PAR CHARLES CROS

 "Lendemain

 


Avec les fleurs, avec les femmes,
Avec l'absinthe, avec le feu,
On peut se divertir un peu,
Jouer son rôle en quelque drame.

 


L'absinthe bue un soir d'hiver
Éclaire en vert l'âme enfumée,
Et les fleurs, sur la bien-aimée
Embaument devant le feu clair.

 


Puis les baisers perdent leurs charmes,
Ayant duré quelques saisons.
Les réciproques trahisons
Font qu'on se quitte un jour, sans larmes.

 

On brûle lettres et bouquets
Et le feu se met à l'alcôve,
Et, si la triste vie est sauve,
Restent l'absinthe et ses hoquets.

 

Les portraits sont mangés des flammes :
Les doigts crispés sont tremblotants...
On meurt d'avoir dormi longtemps
Avec les fleurs, avec les femmes."

 

(Charles Cros).

 

(Présenté par Améthyste)

 

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                                                 "Le Buveur" par Paul Cézanne

09/02/2017

"EN ARLES" PAR PAUL-JEAN TOULET

"En Arles


Dans Arles où sont les Alyscamps,
Quand l'ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,

Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd,

Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c'est d'amour,
Au bord des tombes."


(Paul-Jean Toulet).

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                                       Les Alyscamps (1888) par Paul Gauguin. 

03/11/2016

"OPHELIE" PAR RIMBAUD

 

                        "Ophélie 

  

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles

La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,

Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...

On entend dans les bois lointains des hallalis. 

 

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie

Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir ;

Voici plus de mille ans que sa douce folie

Murmure sa romance à la brise du soir.

  

Le vent baise ses seins et déploie en corolle

Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;

Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,

Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

  

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;

Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,

Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :

Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

  

Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !

Où tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !

C'est que les vents tombants des grands monts de Norwège

T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

 

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,

À ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;

Que ton cœur écoutait le chant de la Nature

Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

 

C'est que la voix des mers folles, immense râle,

Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;

C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,

Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

 

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle ! 

Tu te fondais à lui comme une neige au feu :

Tes grandes visions étranglaient ta parole

Et l'Infini terrible effara ton œil bleu !

 

Et le poète dit qu'aux rayons des étoiles

Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,

Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,

La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys." 

 

(Arthur Rimbaud).

 

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                            Ophélie par John Everett Millais.

 

17:04 Publié dans Poèmes | Tags : ophélie, poème, rimbaud | Lien permanent | Commentaires (0)