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29/07/2012

EXTRAITS DE L'ABIME

EFFRÈNE :



"Le Sud occitan, des Pyrénées aux Alpes, se compose d'une multitude de petits royaumes frères mais rivaux, concurrents mais complices, liés par l'Histoire et souvent antinomiques par leur histoire. Ces communautés farouchement secrètes ont pour capitale un bourg, pour modèles et suzerains de vieilles familles enracinées depuis au moins la croisade des albigeois, pour langue l'occitan lorsque l'on aborde les choses sérieuses, c'est-à-dire battre au foot ou au rugby, aux boules ou au tambourin la cité voisine et ressasser cet illusoire exploit afin de meubler le temps en espérant beaucoup des prochaines confrontations. Diversité sans division, divergences convergentes, ces parcellarisations se fragmentant encore créent depuis bientôt mille ans un ensemble multiple et cohérent, tout à coup étrange, inquiétant même, dans "l'avant-arrière-pays" héraultais, dans cette région miniaturisée : le Clermontais."



PANDORA :


"Il l'avait rencontrée lors de sa première année estudiantine à Montpellier ; elle fréquentait déjà une "avant-garde", durant cette époque, aux jeans moulants, cols roulés, sveltesse et cheveux à tous les vents, qui se voulait une accélération de l'Histoire et fleurait bon la liberté, la route, Kerouac et Marcuse. Sartre et Beauvoir trônaient dans toutes les librairies. Ah ! comme l'on s'amusait naguère, à l'ombre des utopies, inventant jour après jour, sans trop le savoir, mai 68. Quelle différence avec le temps présent ! Lui, Morandi, n'avait pas vu grand-chose jusque-là, une vie enclose à Uzès, ensuite une existence cloîtrée de pensionnaire à Nîmes, quelques liaisons anodines empreintes de bien trop de ruralité lors des vacances."


 

 

 

L'ABIME

L'Abîme, Christian Jougla, Marianne Schumacher, livre

Illustration de Marianne Schumacher

Roman (278 pages) - Collection "Infini", 2007.

 

 

Dans le sud de la France, près de Clermont-l'Hérault, "se tapit au creux d'un vallon un improbable hameau", Effrène, chérissant, à la fin du XXe siècle, le passéisme et "l'utopie d'une réalité immuable." Un gouffre insondable, lieu redouté derrière le rempart du village, semble plonger dans les abysses. Un énigmatique quartier au sol boueux et une "ancienne léproserie, haut lieu des désespérances", servent d'asiles aux nostalgies.

 


D'étranges alliances se nouent entre certains habitants de ce hameau singulier : un élève obstiné, à bord d'un esquif, parvient à convaincre de l'inviolabilité du gouffre le maître d'école, laïc railleur, le transformant en "romantique du sacré et de l'énigme". Un médecin, rationaliste, cynique, marche dans le sillage du notaire, poète inspiré, sans doute devin.

 



Parfois, un aigle d'une envergure exceptionnelle hante le ciel d'Effrène et perpétue, peut-être, le mythe de Prométhée...

 



Percevant avec une profonde angoisse qui imprègne ses descriptions apocalyptiques les sacrilèges irréversibles perpétrés par l'Homme envers la Nature, Christian JOUGLA, l'auteur de MANDORGUES, prouve une fois encore combien il excelle dans le genre difficile du roman gothique.

 

 

Éditions des Ateliers de la Licorne.

 

  

QUELQUES EXTRAITS DE MANDORGUES

LES LOUPS :

 


"Soudain, une incantation funeste s'éleva de la terre vers le ciel, elle semblait provenir de tous les coins de l'horizon : le chant des loups ! Cette mélopée millénaire, par les effets d'une puissante magie, projeta avec une brutalité inouïe le petit groupe des siècles en arrière, au milieu des terreurs et des superstitions des âges enfuis...

 

Chacun se blottit précipitamment dans la carriole, les fanaux accrochés aux deux "tempes" furent allumés. On dut attendre Tambour ; le chien abâtardi parut enfin, geignant et tremblant...".

 

 

 

 "LA TEMPÊTE" :


"Une détonation venue d'un autre monde écartela le ciel et, à coups de catapulte, la grêle tomba. La maison, geignant, pleurant dans des silences d'apocalypse, menaçait à tout instant de s'effondrer. La tempête n'oublia pas qu'elle était fille du déluge, des torrents d'eau accompagnaient la grêle et le vent.

À la faveur d'éclairs discontinus apparut le maelström gigantesque animé par les furies qui s'abattaient sur les collines. Devant la porte, des ravines se transformaient en torrents...".

 

 

D'AUTRES EXTRAITS DE MANDORGUES

LE CHOLÉRA :


"... il savait à présent qu'il ne verrait pas l'aube prochaine. C'est ainsi que meurent les pauvres gens, se dit-il, après tout tant mieux. Jacques agonisait. Bientôt le halo blanc de résignation et d'oubli accordé aux humbles les recouvrirait. Le chien de berger hurla mais ne réveilla pas les deux aînés écrasés de fatigue et de malnutrition. Plus tard, les bêlements continus et douloureux des brebis demandant la traite les tireraient du sommeil. La maladie, tapie depuis quelque temps à Lamalou et à Villecelle, se transforma rapidement en fléau virulent et contamina tout le pays...".

 


LE RITE DRUIDIQUE :



"Les druides des temps pré-chrétiens, quelques fidèles se rassemblaient comme en cette nuit avant l'aurore. Ils étaient terrifiés... Pourquoi ?... Cette vision rémanente resterait donc inexpliquée. Pour lui, tout était fini. Il savait qu'une autre connaissance plus ancienne, plus puissante, se dissimulait derrière la cérémonie celtique et bien plus tard derrière les anodins feux de la Saint-Jean. Peu importait... Des images passaient, s'évanouissaient dans la nuit...".

 

 

 

AUTOUR DE MANDORGUES

 

Dans MANDORGUES, la peinture du massif rocheux ciselé, ruiniforme, du Caroux, des contrées forestières de l'Espinouse, s'élevant aux environs de 1100 mètres, tranche brutalement avec les zones moins "féroces" qui s'étendent vers les plaines littorales. Il s'agit d'un environnement étrange que rien n'a changé et que, sans doute, rien ne peut changer.

 

On découvre, au hasard des randonnées, des reposoirs, des oratoires, des chapelles abandonnées ; parfois, la forêt généreusement s'entrouvre, laisse apercevoir un mas moribond ou un hameau désert, derniers vestiges d'un monde disparu. Les Cévennes à l'est, à l'ouest la Montagne Noire, et au nord le Marcou entourent cette région d'une hautaine vigilance.

 

Les végétations, selon les versants, méditerranéennes, buissonneuses et tourmentées, cèdent la place à des résineux regroupés, impénétrables, semblables à une grande armée, puis les roches blanchâtres ou scintillantes selon l'humeur du soleil relaient la futaie. De profondes gorges, cicatrices "d'outre-temps", traversent cet univers oublié ; on y entend le murmure de rivières sans nom, de ruisseaux inconnus qui rejoignent, en bas dans la vallée, les flots.

 

Le contraste est saisissant entre les terroirs de sécheresse occitane, de calcaires, de garrigues qui, en quelques mètres, se griment en forêt septentrionale d'où émergent d'énormes granits. Encore plus troublant, au cœur de l'été, lorsque l'on observe avec inquiétude la baisse des sources, d'entendre ces eaux glougloutantes, vives, continuer leur habituel dialogue avec le vent des Grands Causses.

 

Enfin, ce pays au milieu de tant d'autres ne ressemble à nul autre. Il a la beauté des choses singulières, la nostalgie des sites ignorés ; on perçoit parfois, lointains, informulés, un adieu, une plainte, sans doute un "à bientôt".

 

Christian JOUGLA.