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20/12/2012

"LE VIERGE, LE VIVACE..." DE STEPHANE MALLARME

"Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui...

 

 

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

 


Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

 

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligé à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.

 

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne."

 

(Stéphane Mallarmé).

 

 

(Présenté par Améthyste)

 

 

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"Le Cygne menacé" ou "le Cygne en colère" (1650) de Jan Asselyn. 

30/11/2012

"FLEURS DE FEU" DE JOSE MARIA DE HEREDIA

José Maria de Heredia, poète français, fils d'un riche planteur de Cuba, mit trente ans pour écrire son chef-d'œuvre et unique ouvrage : "les Trophées", recueil de cent dix-huit sonnets, expression parfaite de l'esthétique parnassienne. 


 

                   "Fleurs de feu



Bien des siècles depuis les siècles du Chaos,
La flamme par torrents jaillit de ce cratère,
Et le panache igné du volcan solitaire
Flambe plus haut encor que les Chimborazos.



Nul bruit n'éveille plus la cime sans échos.
Où la cendre pleuvait l'oiseau se désaltère ;
Le sol est immobile et le sang de la Terre,
La lave, en se figeant, lui laissa le repos.


Pourtant, suprême effort de l'antique incendie,
À l'orle de la gueule à jamais refroidie,
Éclatant à travers les rocs pulvérisés,


Comme un coup de tonnerre au milieu du silence,
Dans le poudroiement d'or du pollen qu'elle lance
S'épanouit la fleur des cactus embrasés."


(José Maria de Heredia)

 

(Présenté par Améthyste)



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        "L'Éruption du Vésuve" (1826) de Johann Christian Clausen Dahl.

27/11/2012

"DELICATESSE" DE PAUL VERLAINE

    "Délicatesse

 

Tu nous rends l'égal des héros et des dieux,
Et, nous procurant d'être les seuls dandies,
Fais de nos orgueils des sommets radieux,
Non plus ces foyers de troubles incendies.

 
Tu brilles et luis, vif astre aux rayons doux,
Sur l'horizon noir d'une lourde tristesse,
Par toi surtout nous plaisons au Dieu jaloux,
Choisie, une, fleur du Bien, Délicatesse !

 
Plus fière fierté, plus pudique pudeur
Qui ne sais rougir à force d'être fière,
Qui ne peux que vaincre en ta sereine ardeur,
Vierge ayant tout su, très paisible guerrière.

 


Musique pour l'âme et parfum pour l'esprit,
Vertu qui n'es qu'un nom, mais le nom d'un ange,
Noble dame guidant au ciel qui sourit
Notre immense effort de parmi cette fange."


(Verlaine).

 

(Présenté par Améthyste)

  

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                           "Boréas" de John William Waterhouse.

25/11/2012

"HARMONIE DU SOIR" DE BAUDELAIRE

 "Harmonie du soir


Voici le temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige.


Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;


Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !"

(Charles Baudelaire. Extrait des Fleurs du mal).

(Présenté par Améthyste)  

 

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                     "Windflowers" de John William Waterhouse.

12/10/2012

"LES PHARES" DE BAUDELAIRE


                  "LES PHARES

Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer ;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays ;

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;

Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand cœur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats ;

Watteau, ce carnaval où bien des cœurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De fœtus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours verts,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, cesTe Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C'est pour les cœurs mortels un divin opium !

C'est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !"


Charles BAUDELAIRE (extrait des Fleurs du mal).

 

baudelaire_courbet.jpg

    

                    Portrait de Baudelaire par Gustave Courbet.